L'enfance, Descartes - Extrait et questions

Si l'ignorance nous est apparue comme la condition première de l'homme d'un point de vue spécifique (propre à l'espèce humaine), ne peut-on pas en faire la même analyse en ce qui concernerait le devenir de chaque individu ?

Extrait : 

Que pour examiner la vérité il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut.

Comme nous avons été enfants avant que d’être hommes et que nous avons jugé tantôt bien et tantôt mal des choses qui se sont présentées à nos sens lorsque nous n’avions pas encore l’usage entier de notre raison, plusieurs jugements ainsi précipités nous empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité, et nous préviennent* de telle sorte qu’il n’y a point d’apparence que nous puissions nous en délivrer*, si nous n’entreprenons de douter une fois en notre vie de toutes les choses où nous trouverons le moindre soupçon d’incertitude.

René DESCARTES, Principes de la philosophie (1644), première partie, texte établi par Louis-Aimé Martin, 1838, p. 319.

* prévenir : mettre en garde.
* il n'y a point d'apparence que nous puissions nous en délivrer : il semble impossible de nous en délivrer.

Questions : 

1. Analysez en quoi ce texte s'appuie sur un argument de fait ("nous avons été enfants avant que d’être hommes") pour en retirer une règle.

2. Analysez de près cet extrait : les enfants sont-ils toujours dans l'erreur ? Pourquoi le fait qu'ils le soient parfois, voire une seule fois, suffit-il à ce que nous devions considérer que nous sommes tous d'abord captifs de l'ignorance ?

3. Quelle règle formule alors Descartes, au principe de la recherche de la vérité ?

4. Cette méthode correspond-elle à une attitude spontanée ? Pour répondre, prenez un exemple spontané de situation où nous doutons de quelque chose. En quoi le doute a-t-il, dans cet extrait, un sens méthodologique (il est délibéré), et non psychologique (il résulterait d'un sentiment d'incertitude) ?

5. Selon vous, est-il facile de soumettre à l'épreuve du doute tout ce que nous croyons être vrai ? Cette entreprise ne serait-elle pas interminable ?

6. Lisez de plus près l'extrait : qu'ajoute la précision "une fois en sa vie" d'essentiel ?

7. Si le projet de Descartes est de douter, de manière radicale (en remontant à la racine des connaissances) et hyperbolique (en tenant pour faux tout ce qui comporte la moindre incertitude) pour ne plus jamais avoir à douter ensuite, cette démarche ne comporte-t-elle pas le risque, ensuite, d'être dans l'erreur tout en étant certain de détenir la vérité ? Justifiez votre réponse.